III
L’avatar reporta le gros de son attention sur les trois humains de Perspective Négative. Les deux anciens amants avaient abandonné leur conversation banale pour se livrer à une autopsie de leur relation, sans toutefois arriver encore à rien de très intéressant.
— Nous voulions des choses différentes, murmura Dajeil. La chose est assez commune.
— Pendant longtemps, je n’ai voulu que ce que tu désirais, déclara Genar-Hofoen en faisant tournoyer son vin au fond d’un verre en cristal.
— Le plus drôle, fit Dajeil, c’est que nous étions très bien, tous les deux, quand nous étions tout seuls, tu te rappelles ?
L’homme eut un sourire triste.
— Je me rappelle.
— Vous êtes sûrs que vous voulez que je reste ? leur demanda Ulver.
Dajeil lui jeta un coup d’œil.
— Si vous vous sentez gênée…, dit-elle.
— Ce n’est pas ça. C’est juste que je ne voudrais pas…
La voix d’Ulver s’éteignit. Ils l’observaient tous les deux. Elle plissa le front.
— D’accord, dit-elle. Je reconnais que je ne suis pas à l’aise.
— Et vous deux ? demanda Dajeil d’une voix neutre, considérant tour à tour Ulver et Genar-Hofoen.
Les regards de Genar-Hofoen et d’Ulver se croisèrent. Ils haussèrent les épaules au même instant, puis ils se mirent à rire et la regardèrent d’un air coupable. S’ils avaient préparé la scène, ils ne seraient pas parvenus à plus de synchronisme. Dajeil ressentit un pincement de jalousie. Puis elle se força à sourire, aussi gracieusement qu’elle put. L’expression parvint à susciter l’émotion correspondante.